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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

— À la bonne heure !

Devant son palais, la comtesse s’arrêta, tendit sa petite main au baron et lui dit d’un ton badin qui n’en était pas moins impératif :

— Baisez-moi la main encore une fois, Eugène, et… allez-vous-en.

— Je ne dois pas, ce soir, rester avec… ?

— Non, ce sera votre punition. Au revoir !

Le bel officier demeura immobile, suivant de l’œil la femme qui l’élevait d’une façon si singulière, jusqu’à ce que le dernier pli de sa robe eût disparu dans l’escalier ; il frappa ensuite du pied, à faire sonner l’éperon, refoula une larme prête à couler et s’éloigna.

S’il n’avait eu par trop honte de lui-même, il aurait pleuré à chaudes larmes, non parce que l’affection était froissée en lui, mais parce que sa vanité était blessée. Il est des hommes qui souffrent de cela bien plus que d’autres ne souffrent du cœur.

Comme vanité, le baron Keith pouvait rivaliser avec la coquette la plus nerveuse.

Pour son malheur, on lui avait toujours dit qu’il était beau ; on l’avait sans cesse flatté : on avait obéi à son moindre froncement de sourcils ; on lui avait cédé en tout comme à une jolie femme. Il n’était donc pas étonnant qu’il fût vaniteux