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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

culière aux gens du monde, faisait une remarque banale sur une nouvelle pièce ou un tableau ayant fait parler de lui à l’Exposition, Hanna répondait régulièrement : Tout à fait ma manière de voir ; tu exprimes ce que j’ai pensé ; si je ne t’aimais pas tant, je t’envierais ton esprit, ce don que tu as de si bien présenter les choses. Elle n’en songeait pas moins à part elle : Est-elle sotte !

Cependant le jugement de Micheline ne valait ni plus ni moins que ce qu’on entend dire dans les salons, dans les cafés, par des gens qui passent pour spirituels et donnent le ton.

Les deux amies, pas n’est besoin de le dire, avaient leurs jours fixes et donnaient d’excellents petits dîners où les matadors du monde élégant venaient avec empressement, attirés qu’ils étaient par le menu exquis, non moins que par les charmes des jolies maîtresses de maison.

Une réunion choisie de ce genre était attablée dans la salle à manger du général. Il y avait des militaires à front haut, à barbe rude, à rubans sur leur vaillante poitrine, des diplomates parlant lentement, comme avec une peine indicible, jouant par ci par là d’un lorgnon en or, et souriant d’un sourire stéréotypé, des aristocrates parfumés, à manières de palefreniers et à regard insolent s’échappant de leurs paupières mi-closes, des