Le directeur de « l’Incorruptible » se trouva cependant dans un certain embarras en voyant Andor arriver chez lui, le front calme, et le remercier de sa critique.
— Tu veux me faire honte, balbutia-t-il en s’occupant de sa chaussure vernie qu’il faisait craquer fortement. Je ne t’ai pas épargné, je le reconnais ; mais tu avoueras toi-même que mon esprit d’indépendance l’exigeait.
— Oh certainement ! répondit Andor. Mais la critique pourrait me rendre vaniteux. Il n’y a que les écrivains véritablement grands qui soient attaqués de la sorte. Nous savons que Ben Johnson et d’autres voyaient tout d’abord en Shakespeare « un corrupteur de la scène » ; nous savons de quels reproches Gœthe fut accablé, comment son Werther fut parodié et avec quel mauvais vouloir on accueillit ses élégies romaines. Dans son temps, Schiller aussi a été malmené par les critiques de Berlin et accusé d’une excentricité, d’un manque de goût qui, aujourd’hui, nous semble d’un comique irrésistible. Nous n’ignorons pas non plus avec quel mépris les critiques d’Édimbourg ont parlé jadis des « heures de la Muse » de lord Byron, et comment il leur répondit dans sa terrible satire : les Bardes anglais et les critiques écossais. Nous sommes furieux également, en lisant que les con-