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LA MÈRE DE DIEU.

éblouissante. Son cou était paré de gros coraux. Elle regarda Sabadil de ses grands yeux bleus, longuement, avec une bienveillante surprise.

Sabadil ne l’avait jamais vue, et pourtant il lui semblait que cette femme était là, qu’elle était venue pour le rencontrer. Involontairement il retira sa casquette et de sa manche s’épongea le front. Son cœur battait à se rompre. Un bourdonnement lui montait aux oreilles.

Tout à coup la jeune fille rougit et baissa les yeux. Elle voulut reculer, et cependant son pied demeura comme attaché au sol ; elle se pencha et cueillit un narcisse, très bas, près de sa racine. Puis, sa fleur à la main, elle resta devant le jeune homme, les yeux baissés, humble à la fois et fière comme une sainte.

« Que fais-tu ici ? » demanda enfin Sabadil remis de son émotion et enveloppant l’étrangère d’un bon et doux regard.

Sans lui répondre, la jeune fille le toisa et le considéra un instant. Puis, d’une voix basse et étrangement mélodieuse, elle lui dit, à son tour :

« Qui es-tu ? et quel est ton nom ?

— Tu me questionnes comme si la forêt t’appartenait, repartit Sabadil avec un malicieux sourire.

— Tu ne me connais pas, dit la jeune fille à voix basse. Ainsi, dis-moi plutôt comment tu t’appelles.

— Sabadil.

— Et d’où es-tu ?

— De Solisko.

— Tu es paysan ?

— Oui.