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LA MÈRE DE DIEU.

Sabadil remarqua un petit chariot traîné par deux forts chevaux qui s’avançait sur la route. Le chariot prit la direction de la métairie. Il en passa la porte et entra dans la cour. Il était conduit par une femme, elle tenait les rênes à la main et un fouet. Elle tourna la tête du côté de Sabadil. C’était l’étrangère de la forêt. Deux énormes chiens-loups se précipitèrent à sa rencontre, en aboyant au poitrail des chevaux, qui leur répondirent par des hennissements joyeux. La carriole s’arrêta à la porte de la maison. Un jeune gars en sortit et tint les chevaux, tandis que l’inconnue descendait du chariot. Elle parut lui adresser quelques questions. Les énormes chiens s’étaient couchés à ses pieds. Ils se levèrent et la suivirent lorsqu’elle entra dans la maison.

Sabadil, qui involontairement avait quitté son lit de gazon pour suivre cette scène, se dirigea entre les taillis qui s’étendaient de la forêt à la route, du côté de la métairie. Son attention fut vivement frappée tout à coup par quelque chose de rouge, comme un pavot gigantesque qui surgit d’une touffe de myrtilles. Il s’approcha, et se trouva en présence d’une toute petite fille, pieds nus, vêtue d’une chemise, la tête couverte d’un mouchoir écarlate et qui rongeait un épis de maïs rôti, assise dans la mousse.

« Dis-moi, petite, sais-tu à qui appartient cette belle métairie ? » lui demanda-t-il.

L’enfant le regarda de l’air indécis d’un animal qui ne sait s’il doit mordre ou caresser.

« Qui demeure là ? dans cette métairie ? Ne comprends-tu pas ? répéta Sabadil.