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LA MÈRE DE DIEU.

gion, pas de connaissances profondes. Il ne se rappelait que ce que sa mère lui avait enseigné. On oublie rarement les leçons et les conseils des mères. Par moments il lui prenait l’envie de seller son cheval et de se rendre à Fargowiza-polna. Puis une crainte le retenait. Il lui semblait qu’aller là-bas, c’était quitter sa patrie, ses habitudes ; cependant, tout ce qui autrefois l’égayait et l’intéressait lui paraissait maintenant terne et sans charme. Toutes ses pensées étaient concentrées sur une femme, sur une seule. Il sentait qu’il l’aimait, qu’il lui avait donné son cœur, réellement, et qu’un moment viendrait, tôt ou tard, où il se rapprocherait d’elle et ne pourrait plus vivre sans la voir.

Un jour, deux heures avant le coucher du soleil, il sella son cheval et traversa la forêt, suivant de petits sentiers touffus où ne passaient guère que des cerfs et des renards. Il se dirigeait sur Fargowiza-polna.

La vallée qu’habitait Mardona était, lorsque le soleil y brillait, un véritable paradis. L’agriculture y florissait. Les routes et les ponts y étaient parfaitement entretenus, et le village lui-même était si joli que Sabadil ne se rappela pas en avoir jamais vu de semblable. Il y régnait un grand calme, une tranquillité solennelle de jour de fête. Les rues, les cours des métairies, y étaient dans l’ordre le plus parfait.

Sabadil traversa le hameau sans rencontrer personne. Un petit chien seul le flaira en grognant. Il atteignit bientôt une grande métairie, la métairie de Nilko Ossipowitch, dont il fit le tour, au pas de sa monture, lentement. Les barrières et les dépendances