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LA MÈRE DE DIEU.

jusqu’à son traîneau, à travers la haute neige, où l’on n’avait tracé qu’un petit sentier, Sabadil se tenait là, les mains dans ses poches. Il ne retira pas son bonnet. Quand le cocher fit claquer son fouet pour le départ, Sabadil proféra un juron énergique en grimaçant. À peine le tintement des clochettes se fût-il perdu dans l’éloignement, Mardona s’avança vers Sabadil. Elle voulait l’interroger sur sa conduite ; il la prévint.

« Je vois, lui dit-il, que tu as déjà fait la conquête de ce noble seigneur. »

Les paroles sifflaient entre ses lèvres comme des gouttes d’eau qui tombent sur du fer rouge.

« Dis-moi, comment t’y es-tu donc prise pour le gagner aussi vite ? Tu n’as sûrement été avare ni de paroles ni surtout de baisers ? »

Mardona le regarda avec une surprise mêlée de dédain, mais sans pitié. Elle était femme après tout, et la jalousie de Sabadil la flattait agréablement.

« Toi, dit-elle au jeune homme, tu ignores la vraie croyance, tu n’as pas la foi. Voyons, peut-on être jaloux de Dieu ? Désires-tu que le soleil luise pour toi seul ? Je suis comme Dieu dans sa miséricorde, comme le soleil qui existe pour tout le monde. Prétends-tu me tracer une ligne de conduite ? Viens ! j’ai à te parler. »

Mardona rentra avec lui.

Tandis que Sabadil restait, hésitant, au seuil de la porte, Mardona s’établit dans son fauteuil, étendit ses pieds sur la peau de loup qui garnissait le carreau, et appela le jeune homme à elle, d’un signe de tête.