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LA MÈRE DE DIEU.

— Sur son compte, à propos de ce… de ce jeune paysan de Solisko. Comment se nomme-t-il déjà ?

— Il y a beaucoup de paysans à Solisko.

— C’est juste. Il se nomme Sabadil. »

Sukalou regarda le rôti douloureusement.

« Et que dit-on de lui ?

— Que…, on raconte… Oh ! c’est un mensonge pour sûr… On dit qu’il lui rend visite et… qu’ils ont de l’amour l’un pour l’autre. »

Mardona retira sa main. Sukalou entama le rôti, et en avala de grandes bouchées, avidement, tandis que la Mère de Dieu tirait du buffet un verre à pied et une bouteille d’eau-de-vie. Elle remplit le verre et le plaça devant Sukalou.

« Dieu te bénisse, consolatrice des affligés ! » s’écria Sukalou, en étendant la main prestement vers l’eau−de-vie.

Mais déjà Mardona le retint et l’empêcha de boire.

« Mais toi, tu en sais plus long que ce que les gens disent. Ainsi, raconte. »

Sukalou regarda l’eau-de-vie et soupira.

« J’étais à la foire de Kolomea, commença-t-il, et j’y rencontrai ce Sabadil. Il avait beaucoup d’argent sur lui et paraissait très gai. Il acheta un collier de corail, un foulard de tête en soie bleue et encore un petit fichu, et le dimanche suivant, je vis…

— Que vis-tu ? »

Mardona retira sa main.

« Je vis. — Sukalou vida le verre d’un trait. — À ta santé, reine des prophètes ! Je vis donc, le dimanche suivant, Nimfodora qui avait mis ce foulard et ces