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LA MÈRE DE DIEU.

— Toi ? demanda-t-il très bas. Pourquoi m’as-tu trahi, dis-moi ? »

Elle ne lui répondit pas.

Sofia apporta de la lumière, tandis que Sukalou allumait un grand feu dans le poêle, et que Nimfodora priait, le visage contre terre. Sabadil entendit à côté de lui le bruissement d’un vêtement de femme. Il tourna la tête : c’était Mardona qui s’approchait à pas lents. Elle s’arrêta devant la croix.

« Eh bien ! comment te sens-tu ? demanda-t-elle anxieusement.

— Aie pitié, Mardona. En voilà assez, dit Sabadil.

— Mais tu n’as aucun besoin de ma compassion, répondit-elle avec un froncement dédaigneux des lèvres.

— Si je passe trois jours ainsi, cloué à cette croix, je mourrai, soupira Sabadil.

— Tu mourras, repartit la Mère de Dieu, et aujourd’hui même ! »

Elle parut frissonner, et resserra sa pelisse autour d’elle. Avait-elle froid ou était-ce un frémissement de douleur qui la prenait ?

« Mardona ! s’écria Sabadil.

— Dieu le veut ! » dit-elle.

Nimfodora regarda la Mère de Dieu, pâle de frayeur. Sofia se mit à pleurer.

« Je me sens faiblir », dit Sukalou.

Son visage, était d’une pâleur terreuse ; lorsqu’il se leva, ses jambes fléchirent. Il chancela.

« Je ne puis supporter ce spectacle, il faut que je mange. »