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LA MÈRE DE DIEU.

et resta là, en proie à une extase douloureuse, le regard perdu à l’horizon.

Le jour parut bien long à Sabadil ; il souffrait des tourments horribles, l’enfer même ne l’effrayait plus. Il eût préféré la géhenne aux tortures qu’il éprouvait. Et, comme si Mardona, avec ses coups de marteau, eût condamné ses pensées à se fixer sur un seul point, il lui était absolument impossible de songer à autre chose qu’à elle. Il essayait de la haïr, et il l’aimait passionnément ; il voulait la maudire, et il ne pouvait que pleurer à chaudes larmes. Elle lui apparaissait plus belle, plus divine que jamais, maintenant qu’elle l’avait fait mettre en croix et que par sa seule volonté il souffrait des tortures inexprimables.

Barabasch veillait toujours à la porte. Les autres assistants entraient et sortaient. Il y en avait toujours un au pied de la croix, en prières.

Une fois, Sofia resta seule avec Sabadil durant un instant. Elle sortit prestement de sa poche son mouchoir, qu’elle avait imbibé d’eau-de-vie, et le restaura, en le lui pressant entre les lèvres et en lui épongeant les tempes et le front.

Mardona venait de temps en temps contempler sa victime. Elle l’examinait avec une grande attention, sans rien perdre de son impassibilité apparente. Et elle s’éloignait, elle ne prononçait pas une parole.

Lorsque le soir tomba, et que le temple se remplit de grandes ombres, Sabadil prit peur.

« Mon Dieu ! s’écria-t-il, n’y a-t-il personne ici ? m’a-t-on abandonné ?

— Je suis là, répondit la voix douce de Nimfodora.