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SASCHA ET SASCHKA.

et qui ne font que porter préjudice à notre nation. C’est à nous d’abandonner l’asile que dans des temps critiques et malheureux l’Église nous a offert, et de nous consacrer aux diverses branches utilitaires de l’activité humaine, à l’instruction, à la médecine, à la jurisprudence et aux fonctions d’État. C’est pour nous un devoir sacré de parvenir par nos connaissances et par notre zèle à des situations telles, que nous puissions défendre avec succès les droits de notre nation, et vaincre graduellement les préjugés qui existent encore contre eux. »

Sascha approuva son fils avec chaleur. Spiridia l’écoutait en silence, puis, se levant, elle baisa Saschka au front, et lui dit :

« Laisse-toi guider par ton cœur, je ne puis croire qu’il t’induira en erreur. »

La chose fut donc décidée, et au commencement de l’année scolaire Saschka partit pour Lemberg. Sa mère lui donna sa bénédiction, ses frères et ses sœurs se suspendirent à son cou en l’embrassant, et son père, qui était à ses côtés, l’accompagna après leur départ. Il le conduisit jusqu’à Kolomea ; là il fallut se séparer.

Le curé avait encore mille choses à lui dire, le temps lui avait été trop mesuré. Il était loin d’avoir fini, que déjà les chevaux s’impatientaient, que le postillon était assis sur son siège, et que le conducteur invitait les voyageurs à monter en diligence. À ce moment la voix manqua tout à coup à ce tendre père qui jusqu’alors avait parlé presque sans interruption : aucune parole ne vint plus sur ses lèvres, il n’eut de force que pour prendre son fils dans ses bras et le