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SASCHA ET SASCHKA.

presser une dernière fois sur son cœur. Des larmes brillaient dans leurs yeux. Enfin Saschka s’arracha à cette étreinte et monta dans la voiture. Encore une poignée de main et le fouet se mit à claquer, le cornet du postillon retentit, et les roues se mirent en mouvement.

Le pauvre père se détourna et, prenant son grand mouchoir à fleurs blanches, il essuya les pleurs qui coulaient sur son bon et triste visage.

« Que veux-tu ? se dit-il à lui-même. Ton enfant n’est plus à toi, il appartient à la société ; courage donc, mon fils : en entrant dans la vie, lutte comme nous avons tous lutté et comme nous combattons encore ; fais ton devoir, on ne peut rien te demander de plus. »

Puis il reprit le chemin du logis en fredonnant :

Tu possèdes un coursier pour fendre l’air
Et une lance pour combattre l’ennemi ;

Si un jour le corbeau fait entendre son cri au-dessus de ta tête

Si les vertes steppes deviennent ta tombe,
Que veux-tu de plus, fier Cosaque ?

Saschka se montra dès le premier moment peu semblable aux autres étudiants : ceux-ci fréquentaient l’Université pour se créer une carrière, et lui n’était poussé que par son amour pour la science. Il employait les jours de congé d’une manière aussi utile que s’il eût été dans la maison paternelle, pendant que ses compagnons, quand l’heure de la liberté avait sonné, se hâtaient d’en user et d’en abuser en passant leur journée dans les cafés et chez les pâtissiers, et