Page:Sacy, Féval, Gautier, Thierry - Rapport sur le progrès des Lettres, 1868.djvu/73

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qui se levait. De Vigny faisait paraître les Poëmes antiques et modernes ; Lamartine, les Méditations ; Victor Hugo, les Odes et Ballades, et bientôt venaient se joindre au groupe Sainte-Beuve avec les Poésies de Joseph Delorme, Alfred de Musset avec les Contes d’Espagne et d’Italie. Si nous avons négligé les poètes intermédiaires, tels que Soumet, Guiraud, Lebrun, Émile Deschamps, c’est que nous n’avons pas à écrire l’histoire du romantisme et qu’il nous suffit d’indiquer sommairement les origines et les antériorités de l’école poétique actuelle. Après les journées de Juillet, Auguste Barbier fit siffler le fouet de ses Iambes et produisit une vive impression par le lyrisme de la satire, la violence du ton et l’emportement du rythme. Cette gamme, qui s’accordait avec la tumultueuse effervescence des esprits, était difficile à soutenir en temps plus paisible. Il Pianto, destiné à peindre le voyage du poète en Italie, est d’une couleur comparativement sereine, et le tonnerre qui s’éloigne n’y gronde plus que par roulements sourds. Lazare décrit les souffrances des misérables sur qui roule le poids de la civilisation, les plaintes de l’homme et de l’enfant pris dans les engrenages des machines, et les gémissements de la nature troublée par le travail des pionniers du progrès. Par contraste, Brizeux, dans son idylle de Marie, exprima l’amour pur de l’adolescence, le souvenir nostalgique de la lande natale et ce retour à la vie champêtre qu’inspire aux âmes tendres la fatigue de l’existence des villes. Antoni Deschamps imita avec bonheur l’austère allure du style dantesque et peignit dans ses Italiennes le pays des chênes verts et des rouges terrains avec le contour net de Léopold Robert et la solide couleur de Schnetz, pendant que Charles Coran, dans Onyx et les Rimes galantes, vantait la Vénus mondaine et les élégances de la haute vie sans sortir du boudoir.

Cependant les maîtres se développaient magnifiquement. Aux Méditations succédaient les Harmonies, aux Orientales les Feuilles d’automne, les Rayons et les Ombres, les Voix intérieures ; aux Contes d’Espagne et d’Italie, le Spectacle dans un fauteuil ; aux Poésies de Joseph