Page:Sacy, Féval, Gautier, Thierry - Rapport sur le progrès des Lettres, 1868.djvu/85

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peut se trouver un jour devant l’idée sans forme à lui offrir. L’Enfer, de tous les volumes d’Amédée Pommier, a été le plus remarqué, et c’est en effet une œuvre des plus originales. L’auteur, trouvant qu’on spiritualisait un peu trop l’enfer, l’a épaissi, comme disait Mme de Sévigné à propos de la religion, par quelques bons supplices matériels, tels que chaudières bouillantes, jets de plomb fondu, cuillerées de poix liquide, lits de fer rougi, coups de fourche et de lanières à pointes, introduisant les diableries de Callot dans les cercles du Dante. Idée ingénieuse ! l’adultère est puni par la satisfaction à perpétuité de sa concupiscence ; les amants coupables sont toujours l’un devant l’autre, éternels forçats de l’amour.

L’éternité du tête-à-tête

Ne pouvait manquer à l’enfer,

dit le poète en terminant sa strophe par cette chute heureuse et de l’effet le plus piquant. Le mètre employé est une strophe de douze vers composée d’un quatrain et de deux rimes triplées féminines qui s’encadrent entre deux vers masculins. L’auteur manie cette forme avec une maëstria singulière. Il s’en est encore servi dans son volume de Paris, espèce de description lyrique et bouffonne de la grand ville où parfois Victor Hugo coudoie Saint-Amant et Scarron, étrange macédoine de splendeurs et de misères, de types sublimes et grotesques, de tableaux brillants et d’affiches bariolées, de vers splendides et de lignes prosaïques, de chiffons et de bijoux, et d’ingrédients plus bizarres que ceux dont les sorcières de Macbeth remplissent leur chaudron. Parfois le poète, comme lord Byron, qui, dans Beppo, se passe le caprice de rimer l’annonce et l’étiquette de l’Harwey-sauce, s’amuse à rimer la quatrième page des journaux. Ce qu’on peut reprocher à ce poème d’une grande étendue, c’est une sorte de ribombo venant de la redondance des rimes triplées que ramène chaque strophe.

Amédée Pommier a tenté bien des genres : l’ode, la satire, l’épître, le poème, le sonnet, la fantaisie rythmique, et partout il a