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CORRESPONDANCE INÉDITE DU MARQUIS DE SADE — 1777
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que cette fille n’a pas voulu se séparer d’elle et lui demande justice de l’attentat de Treillet. La présidente appuie cette requête.

La marquise apprend à Paris la mort de sa belle-mère, Marie-Anne Éléonore de Maillé de Carman, décédée le quatorze janvier et inhumée le quinze en la paroisse de Saint-Jacques-du-Haut-Pas. Elle s’installe dans le logement de la défunte, aux Carmélites de la rue d’Enfer. M. de Sade y est arrêté, dans la chambre de sa femme, le treize février et enfermé « dans un château près de Paris ». Reinaud, qui a prévu l’événement, demande, peu de jours après, « si notre Priape respire toujours le bon air ».

Gothon, laissée seule à la Coste, se plaint des nuits cruelles qu’elle y passe. Ses amours mettent la présidente et la marquise dans un grand embarras de conscience car la femme de Carteron meurt de faim et demande si son mari « n’a pas été enveloppé dans la disgrâce commune ». Le père Ange de Charleray, capucin, écrit de Langres à son parrain le R. P. de Marelle, gardien des capucins à Apt, pour lui demander si le quidam qu’il connaît est bien le nommé Carteron, natif de Rolampont. Il n’y a point de doute là-dessus et une enquête de la maréchaussée confirme ce que la pauvre abandonnée a confié au bon père. Mais l’amoureux valet respire l’air léger qui lui vient de Provence : il en oublie le service de sa maîtresse, découche de désespoir et on ne le tiendrait pas s’il n’avait une peur affreuse de madame de Montreuil. Gothon tombe malade dans son château et madame ne peut s’empêcher de la plaindre. Elle a fait bien du mal avec sa langue, et tout le train des domestiques est son ouvrage, mais son amour pour la Jeunesse est ce qui la fait agir bien ou mal « selon que les idées s’arrangent dans sa tête ». On cache cette maladie à Carteron dont la pensée serait aux champs. Ce garçon est comme un enfant : il confesse ses torts et recommence. Il n’a de catholique que le baptême et son amante n’a même pas cela.

L’abbé de Sade, que la grippe a épargné, montre à tout l’univers la joie qu’il ressent de l’arrestation de son neveu : elle doit, selon la marquise, lui rendre la santé pour vingt ans.

Madame de Sade est toujours à court d’argent. Elle fait appel à Lions, mais celui-ci, qui a été saigné à blanc par une frasque de son fils aîné, ne peut lui venir en aide.

Madame de Montreuil travaille sans répit à « la grande affaire ». C’est son seul bon procédé et elle le fait payer bien cher ! Madame de