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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


Sade l’accuse d’avoir fait arrêter son mari, mais lui témoigne cependant de la déférence car elle a besoin de se contraindre devant tous ceux qu’elle croit avoir à ménager. La présidente cherche à remettre la main sur sa fille qui se détend lentement. L’arrestation n’est point son œuvre et elle est incapable de trahison, mais elle pense néanmoins qu’il était temps. C’est l’affaire de Vienne qui a fait du bruit. L’ordre d’écrou n’en a fait aucun et l’intention du ministre est qu’il n’en fasse pas davantage en Provence. Ce ministre ne connaît pas le pays : le mal est déjà fait ! Ripert, régisseur de Mazan, écrit un beau compliment sur le malheur du marquis et Gothon jure qu’il l’a bien voulu en partant pour Paris malgré les avis qu’on lui a donnés.

La présidente a repris sa correspondance secrète « par billets volants » avec Gaufridy. Ils veulent le bien l’un et l’autre et elle assure l’avocat de sa discrétion. Aussi bien la marquise ne reviendra-t-elle pas de sitôt en Provence (de fait elle n’y est jamais revenue) ; on ne lui dira donc de ce commerce que ce qu’il faut qu’elle en sache pour ne pas s’étonner si elle en a vent par une autre voie. C’est justement ce qui manque de se produire par la faute de M. le président de Montreuil, qui d’ordinaire n’ouvre pas la bouche et qui le fait cette fois mal à propos. Il ne recommencera plus.

Madame de Sade ne sait rien de son mari. Elle le croit à la Bastille et rôde autour de la prison ; mais les ponts y sont toujours levés et les gardes empêchent de s’arrêter et de regarder : la légende de la Bastille est déjà toute formée dans l’esprit des Parisiens. Elle apprend enfin que le marquis est à Vincennes ; le secret est levé en partie, mais elle ne correspond avec lui qu’à plis ouverts, qu’on lui renvoie quand ils signifient quelque chose. La présidente en sait moins long que sa fille ; elle n’a de nouvelles que par le ministre. « Il a ce qui tient au besoin et au bien-être ». Cela suffit.

Les conseils de la présidente estiment que l’annulation de l’arrêt ne saurait suffire et qu’il faut obtenir un jugement qui décharge et qui lave. Mais quelle voie doit-on choisir ? Et, s’il y a renvoi, sera-ce devant le parlement d’Aix bien qu’il ait déjà connu de l’affaire ? Le ministre doit se prononcer et il ne le fait pas. La marquise espère avoir une décision avant les vacances, mais sa mère veut que l’habitude de l’absence opère. Elle montre une « patience d’ange » qui irrite madame de Sade. La mère pense, de son côté, que le cœur de la marquise affaiblit sa raison. Au vrai, le dessein de la présidente est que l’affaire soit