que nous nous sommes bien trompés dans nos calculs ; je ne puis vous rien
dire, ne pouvant dans mon malheur que tirer des conjectures. Si la chose
n’a pas ébruité encore dans le pays, je pense qu’il ne faut dire mot parce
que la circonstance n’est pas favorable. Les gens d’Aix sont de grands
coquins et à Paris l’on ne vaut pas mieux. Mon désespoir est d’autant plus
furieux que je suis obligée de ronger mon frein vis-à-vis des gens qu’il
faut ménager. Envoyez-moi une forme de protestation sur tout ce que l’on
pourrait me faire signer et dites-moi où il faut que je la fasse et comment,
la forme, etc. Je crois que, soupçonnant mon mari à la Bastille et sûre
qu’il est arrêté puisqu’on l’a fait dans ma chambre, je suis au cas de le
faire……
Vous devez avoir été bien surpris, monsieur, par ma dernière lettre. Pour moi le coup m’a si étourdie, si abasourdie, qu’en vérité je ne sais à quoi où j’en suis encore.
L’on me fait dire sourdement d’être tranquille, que je serai contente plus que je ne m’attendais.
D’un autre côté le ministre me défend d’ébruiter le fait. Ma mère, sans colère, sans emportement, dit que ce n’est pas elle et qu’elle n’est pas capable d’une trahison.
Le garde des sceaux répond à la grande affaire : « À présent qu’il m’est possible de travailler je vais le faire. » Ce que j’entrevois c’est que Vienne a fait du bruit et c’est une obligation que nous avons à Saumane ; au moins, s’ils ne font pas de bien, devraient-ils se prêter à empêcher le mal.
L’on me fait espérer que sous peu je saurai où il est. Je le soupçonne à la Bastille. Les ponts y sont toujours levés et les gardes empêchent de regarder et s’arrêter. Je ne reçois point de ses nouvelles que par le ministre qui me dit simplement qu’il se porte bien et qu’il a tout ce qu’il peut désirer et qui s’accorde avec sa sûreté, domestique pour le soigner, etc……
À l’égard de Justine, M. le garde des sceaux est prévenu. Il a dit n’avoir pas encore connaissance de cela et qu’il fallait que je garde la fille en attendant la réponse de M. de Castillon à la lettre que je lui ai écrite et qui a été approuvée ici……
……Tout va bien ici. J’ai vu hier madame de S. pour la seconde fois, car elle n’est pas encore à l’empressement et à la confiance qu’elle me devrait si elle réfléchissait et sentait mes procédés de toutes manières, et j’en use vis-à-vis d’elle avec autant de modération que de discrétion, d’au-