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1778


L’abbé d’Ebreuil est mort et madame de Sade n’a pas attendu qu’il le fût pour demander à Gaufridy de faire mettre les scellés à Saumane ou de les croiser s’ils y ont déjà été mis par d’autres.

La succession de l’abbé est fort embrouillée. Il laisse de nombreuses dettes et il y a chez lui une dame espagnole, accompagnée de sa fille, avec qui il faudra compter parce qu’il lui a vendu la terre de la Vignherme pour dix mille livres, peut-être sous le couvert d’un mari complaisant.

En bref, et pour n’y plus revenir, l’abbé était locataire à vie du feu comte son frère du château de Saumane et d’une partie de la Vignherme (l’autre était tenue par des moines), et la diplomatie de madame de Montreuil va tendre à faire accepter sa succession sous bénéfice d’inventaire par le commandeur, tout en faisant revendiquer les fonds et les meubles par M. de Sade, notamment la bibliothèque, le médaillier et le cabinet d’histoire naturelle auxquels le marquis tient beaucoup. Cette affaire n’a point de fin. Après la mort du commandeur, la liquidation des deux dépouilles confondues se poursuit jusqu’en 1793, contradictoirement avec l’ordre de Malte. En l’an VI, le marquis négocie encore avec les créanciers.

Madame l’abbesse de Saint-Benoît fait un bel éloge de l’abbé son frère et, nonobstant l’histoire de l’espagnole, trouve un pieux apaisement à son affliction dans les circonstances de la mort qui ont été très consolantes.

Une autre sœur de l’abbé défunt, madame de Villeneuve, s’y prend de meilleure façon pour conserver sa mémoire : elle s’empare de sa vaisselle qui, elle aussi, va rester en conteste pendant plus de vingt ans. Cette dame, trop pénétrée de ce que les trépassés doivent à leurs proches, opère corps présent ou dépêche en mains. À la mort du comte son frère (Gaufridy, qui venait alors jouer avec le marquis, s’en sou-