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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


mari et qu’on est content des bons témoignages que l’on rend de lui ; mais, dès le sept septembre, elle est au fait de l’arrestation et des plaintes que le marquis a faites de Gaufridy. Elle invite mademoiselle de Rousset à venir à Paris pour y travailler avec elle à la délivrance. Elle jure par écrit à sa mère une haine éternelle et l’accuse de l’avoir bernée en lui laissant entrevoir qu’elle pourrait bientôt rejoindre M. de Sade. « Je me mine si bien que j’ai le sang tourné, écrit-elle, et que, quand j’aurai de la satisfaction, il ne sera plus temps de remédier à ma santé ». Elle conçoit des doutes sur celle du marquis, parce qu’il n’était pas trop portant au moment de son arrestation. Madame de Montreuil se déclare presque fâchée, devant l’hostilité de sa fille, que Gaufridy ait anéanti les débris des petites feuilles et les deux volumes relégués au grenier qui eussent convaincu la marquise des dangers dont on l’a préservée.

La présidente trouve bientôt un excellent moyen de l’amadouer. Elle a appris que le lieutenant de police Marais avait fait, en arrêtant le marquis, une allusion au mystère sanglant de son cabinet et tenu des propos que l’on ne saurait tolérer d’un policier parlant à un homme de qualité. Elle demande la punition de cet agent trop zélé au ministre dont il a outrepassé les ordres. Marais est cassé aux gages et les frais de son voyage en Provence lui sont laissés pour compte.

La marquise n’a plus de pouvoirs, mais elle continue, en fait, à gérer avec Gaufridy, à qui elle a rendu toute sa confiance. L’avocat n’est pas insensible à sa peine et madame de Montreuil s’étonne du zèle qu’il montre pour ses projets, mais la présidente n’a garde de détourner sa fille des affaires. Elle sait qu’il y a chez madame de Sade un goût de l’ordre et de l’activité refoulé par la passion, et pense que c’est par là qu’elle remettra la main sur elle. Mais l’arrivée de mademoiselle de Rousset va brouiller le jeu. Elle est suspecte à Gaufridy, qui ne se laisse pas prendre à l’amitié trop expressive que lui témoigne cette fille, et non moins à la présidente. Les deux correspondants se mettent mutuellement en garde. Enfin la demoiselle est à Paris. Elle s’installe dans l’intrigue, prétend hâter les événements, interroge, s’enquiert, propose, fait sienne la peine du marquis et, par surcroît, celle de la marquise qui l’héberge. Elle écrit sur son papier et termine ses lettres. Madame de Sade est conquise et entraînée. Elle passe de la société des domestiques à celle d’une fille de son rang qui la rend aux préoccupations ordinaires de leur sexe en partageant sa passion. Les deux