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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


couru que cette place avait coûté à Pépin douze louis. Comme ce bruit doit être absurde, il doit désabuser M. le commandeur sur l’un et l’autre objet.

La lettre de madame de Cavaillon portait que madame de Sade pouvait donner toute sa confiance au père Jean-Baptiste. Comme ami de toute la famille et plus particulièrement d’elle, elle devait lui ouvrir absolument son cœur…… Madame s’est bornée à dire beaucoup de choses obligeantes pour toute sa famille de Provence, a témoigné toute sa peine sur la captivité de son mari et le désir qu’elle aurait de le voir sortir. Elle a comblé Sa Révérence de toutes sortes de politesses ; il est venu manger, sa soupe toutes les fois qu’il a voulu. Le vin de Paris l’ayant incommodé, madame lui en a envoyé du sien, etc., etc… Il demanda si madame de Montreuil venait quelquefois aux Carmélites, si sa fille la voyait. « Très rarement, lui répondit madame de Sade ». Ayant cette assurance, il fut chez madame de Montreuil ; il ne la trouva qu’à la troisième ou quatrième visite ; il lui remit deux lettres, une de M. le commandeur et l’autre de madame de Cavaillon…… Je sais que madame n’en fut pas contente, non plus que de la dissimulation du capucin qui n’a jamais dit avoir vu sa mère ni être chargé de lettres pour elle. La dernière fois qu’il est venu, je ne pus m’empêcher de lui en dire quelque chose assaisonné de toute la modération et la décence possibles…… Il dîna, dit qu’il retournait à la campagne pour quelques jours encore, qu’à son retour il viendrait prendre les ordres et les dépêches de madame. Dix jours s’étant écoulés, madame envoya à la capucinière de Saint-Honoré où il était logé. On le dit parti. Nous avons soupçonné qu’on l’a peut-être fourré in-pace. Dans cette campagne il y avait des femmes, on y jouait ; elles avaient commencé de plumer le bienheureux père, qui nous a dit s’être laissé gagner exprès……

Cet article capucinal est bien long ; si je vous ennuie, jetez ma lettre au feu……


Mademoiselle de Rousset fait des chansons provençales pour le marquis et se chamaille avec lui. (Post-scriptum à la lettre de la marquise du 24 mai 1779).

……Vous ne m’avez jamais rien dit des deux couplets de chanson provençale que j’ai faits, avec plusieurs autres, pour M. le marquis ; puisque vous ne me dites ni bien ni mal sur ma poésie, je ne vous enverrai pas les autres.

Je ne sais où diable M. le marquis a vu ni qui lui a dit que j’étais partie. Vous verrez, par la lettre ci-jointe, combien il est piqué contre moi sur ce prétendu départ. Je ne peux m’imaginer que des êtres raisonnables fassent des falsifications sur les écritures, à pouvoir lui faire donner le change. D’ailleurs, quelle raison ? Je n’y comprends rien. Nous nous chamaillons assez vertement depuis quelque temps. Il s’est peut-être imaginé que j’avais pris la mouche de partir sans lui. Selon nos conditions amicales, nous ne devons retourner qu’ensemble. Je n’ai cependant pas discontinué