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MARQUIS DE SADE — 1781
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mais on ne peut songer à le renvoyer à cause de l’argent qu’on lui doit. Quant à l’avocat, si bien soufflée qu’elle puisse être, la marquise se refuse à le croire coupable et charge seulement Rousset de le sonder adroitement. Cela ne l’empêche pas de tirer parti de la dénonciation en la montrant à M. le Noir, comme si elle était véridique, pour le convaincre de la nécessité de rendre M. de Sade à l’administration de ses biens. Ce débat est entremêlé de bavardages sur la perte de l’onzième tome de « l’Année chrétienne », livre janséniste bon à brûler.

Qu’elle soit à Paris ou à Rome la marquise voit peu sa famille. Elle fait cependant envoyer un tonneau de muscat à M. le président de Montreuil à Villeneuve-la-Guyard, où il a des terres. M. de Sade est toujours dans le même état. C’est, selon M. le Noir, un long accès de folie furieuse.

Le ventre de Gothon confirme ses promesses. Il a été question de faire tenir l’enfant sur les fonts par mademoiselle de Rousset et par Gaufridy. Mais l’épouse de l’avocat s’y refuse. Ce refus est trouvé singulier. Le nouveau né sera donc tenu par deux pauvres de la Coste et recevra les prénoms du marquis ou ceux de la marquise, selon l’usage. En dépit de son maltalent, madame de Sade envoie à madame Gaufridy un pot de rouge dont j’imagine, sans preuve décisive, qu’elle n’avait nul besoin.

M. le Noir réclame cinq cents livres pour la nourriture du marquis. Madame de Sade refuse de les payer, car « ce n’est pas elle qui tient son mari en prison » et recommande à l’avocat de prendre des défenses si l’on vient en saisie. Le captif est plus calme : on espère qu’il aura sa liberté dans deux ou trois mois. Madame de Sade a hâte de quitter Paris qu’elle déteste. « On doit, dit-elle, être bien fatigué de me voir car je suis sans cesse sur leurs talons à dire et à redire la même chose ». Sa fille a été malade ; les garçons viendront passer l’hiver à Paris pour avoir des maîtres. On en est très content, mais un peu d’argent ajouterait à la satisfaction de leur mère : le fermier d’Arles n’a pas fait la paye des herbes, l’héritage de la tante Dazy n’est encore qu’une lointaine promesse.

Gothon accouche d’un garçon qui sera baptisé aux frais des seigneurs. L’état de la mère n’est point bon : elle devient insupportable à elle et aux autres. Son épuisement fait craindre d’abord une phtisie un peu longue. Il n’en est rien : l’accouchée se trouve rapidement au plus mal et menace de tout infecter. Grégoire, qui a reçu l’ordre de