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— XIV —


la bergerie et les parcelles de Saint-Paul, les prés du moulin et le petit domaine de Piedmarin.

Le château et les dépendances de Saumane avaient été arrentées à vie par le comte à son frère l’abbé d’Ébreuil, qui s’en montrait jaloux au point de ne pas en payer de loyer, mais qui les défendit contre ses voisins et la communauté, avec laquelle il fut, notamment, engagé dans de longs procès pour la segrairie de la montagne. Les terres de Saumane comprenaient la moitié du domaine de la Vignherme, dont l’autre moitié était tenue à cens par une confrérie de Minimes, et la Grande Bastide, dont la vente permit à M. de Sade de mener à bien une petite opération financière qui le peint tout entier. Le seigneur de Saumane prêtait l’hommage à la Révérende Chambre Apostolique de Carpentras et acquittait une redevance annuelle de deux écus d’or, valant chacun six livres deux sols six deniers grosse monnaie, et d’une livre de cire, évaluée douze sols suivant la coutume, pour le fief et la juridiction.

Mais le bien qui payait le plus était la terre roturière du Mas-de-Cabanes, au terroir d’Arles, en Camargue.

Toutes ces terres donnaient, bon an mal an, dix-huit à vingt mille livres, mais ce revenu était grevé de charges : pensions et rentes tournantes dues à des tiers dont le seigneur avait successivement cousu les petits héritages au sien, fondations pieuses, redevances aux établissements charitables, prestations attachées aux droits du seigneur comme elles le sont aujourd’hui à l’exercice du pouvoir municipal, telles que l’indemnité au chirurgien-barbier ou la réparation des dommages causés aux particuliers en cas de sédition ou de « batteste » dans les lieux publics. Le comte laissait à sa mort une hypothèque de quatre-vingt-six mille livres, à laquelle vint s’ajouter la garantie hypothécaire de sa bru, pour la dot.

Tous les châteaux étaient meublés. Il y avait, notamment, à Saumane une bibliothèque enrichie par l’abbé, un médaillier et un cabinet d’histoire naturelle que le marquis eut toujours fort à cœur de conserver. La légende et les lettres disent également merveille de l’arrangement intérieur de celui de la Coste. M. de Sade apportait tous ses soins à orner sa demeure, et les cris qu’il pousse, après son pillage, sont fort justifiés. Il n’est pas question toutefois de la célèbre salle des clystères, où des seringues à figure humaine dansaient en faisant des génuflexions et pointant du bonnet vers de larges derrières.

Le marquis avait passé une partie de son enfance à la Coste, auprès