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de ses parents ou de ses aïeuls, et à Saumane chez l’abbé d’Ébreuil. Il fit ensuite ses classes au collège Louis-le-Grand, partit pour l’armée, fit la guerre de Sept Ans, conquit son brevet de mestre de camp de cavalerie et revint d’Allemagne ayant déjà beaucoup appris.

En 1763 M. de Sade habite rue d’Enfer, paroisse de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, peut-être chez sa mère qui loge aux Carmélites de la même rue, tandis que le comte son père est aux Missions Étrangères rue du Bac, dans le faubourg Saint-Germain. Celui-ci le fiance d’autorité à Renée-Pélagie Cordier de Montreuil, fille de Claude-René Cordier de Montreuil, seigneur-baron d’Échauffourd, la Beauvaisinnière et autres lieux, président en la cour des Aides de Paris, et de Marie-Madeleine Masson de Plissay, son épouse.

Les Montreuil avaient de nombreux enfants et le jeune mestre de camp remarqua une sœur cadette de sa fiancée, Louise de Launay. Il voulut, dit-on, obtenir que Louise fût substituée à Renée, mais le comte et la présidente s’y opposèrent : Louise était d’ailleurs très jeune et sa mère avait pour elle une prédilection jalouse. On a beaucoup brodé sur cet amour contrarié qui aurait fortement contribué à jeter le marquis dans la débauche en le détachant de sa femme. Mais ce déboire n’a été qu’un prétexte entre mille, et il est absurde d’admettre qu’un homme de sa complexion se rendit criminel par désespoir d’amour. À l’âge où il fut marié, M. de Sade ne pouvait être la victime d’une fatalité sentimentale dont la cupidité sensuelle des jeunes gens suffit presque toujours à les défendre lorsqu’elle n’est pas réfrénée ou pervertie par la timidité ou le scrupule. Et le marquis, depuis longtemps, n’en était plus là !

Le comte s’était démis, en faveur de son fils, de sa charge de lieutenant général de Bresse et Bugey, et Louis-Donatien en avait été investi suivant lettres patentes en forme de provision du quatre mars 1760. Le premier mai 1763, le roi accorda, en outre, au marquis « pour faciliter son établissement » un brevet de retenue de soixante mille livres sur cette charge.

L’appareillage du jeune homme et de Renée de Montreuil se fit avec tous les rites qui servent à consacrer l’union de deux grandes familles en corps et en biens.

Le contrat de mariage portait constitution pour la future d’une dot de trois cent cinq mille livres faite par ses parents, par son aïeule paternelle Anne Thérèse de Croezer, veuve de messire Jacques. Cordier de

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