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MARQUIS DE SADE — 1789
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L’abbé Gabriel compare de Rome l’état présent et passé du royaume.

……Il ne nous vient ici rien que d’affligeant de la capitale ; et il est à craindre que dans les provinces on n’approuve pas les opérations de l’assemblée et qu’on se refuse aux résultats. Dieu veuille tout concilier, en réunissant les esprits. Il nous faut un ordre quelconque, puisque le précédent, avec lequel la machine allait toujours, quoique très irrégulièrement, paraissait, au moins, encore bien loin de l’état alarmant où nous sommes réduits. Puisque le roi et nos députés ont de bonnes intentions, il faut espérer qu’ils finiront nos malheurs et nos craintes……

Soyez tranquille sur notre cher prélat. Il est à Pise où il consolide toujours plus sa santé. Il me permit l’espérance de lui faire ma cour à Rome. Il aime bien son diocèse[1]……


La marquise résume en quelques lignes l’administration du grand prieur. (26 novembre 1789).

……Il est certain que sans mon oncle nous n’aurions pas commandé les réparations et que notre fortune ne le permet pas. Il les a commandées sans nous consulter, c’est un fait. Vous avez bien fait de rapporter de Saumane des attestations pour justifier. Vous savez qu’il a transporté différentes choses et que, comme administrateur, personne n’avait de droit de l’empêcher, et même il vendit, c’est au su de bien des gens, des effets appartenant à la succession de l’abbé. Il devait payer les dettes et ne le fit pas. De sorte que ces dettes lui deviennent personnelles, puisqu’il a vendu, touché sans payer. Je ne sais si l’on peut, avec d’aussi bonnes raisons, demander, parce que la dépense faite nous reste, et il est au su de tout le monde que mon oncle disposait de tout sans y mettre du sien.

Pour la vaisselle d’argent, cet article est encore au su de tout le monde et je ne puis penser que l’ordre se refuse à rendre ces choses ou leur valeur……

L’on nous menace tous les jours de carnage. Le clergé et la noblesse en très petit nombre ont beau adhérer à tout, on leur en veut toujours. Jusqu’à présent, depuis la scène de Versailles, il n’est rien arrivé, mais en se couchant l’on n’est pas sûr du lendemain. Il y a deux jours, au Palais-Royal et à la halle, l’on volait les boucles de souliers, les boucles d’oreilles, l’on faisait retourner les poches sous le prétexte de porter tout cela à la monnaie…… L’on ne croira jamais dans l’histoire ce qui se passe……

  1. Mgr Eon de Cély, d’excellente mémoire, dernier évêque d’Apt ; il n’a pas poussé l’héroïsme jusqu’à y rester.
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