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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/343

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CORRESPONDANCE INÉDITE DU MARQUIS DE SADE — 1791
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crits et les livres restés à la Coste, dont il donne le catalogue. Cette pièce serait fort instructive si l’on pouvait conclure des curiosités d’un esprit à la valeur intellectuelle et morale d’une conscience. La librairie du marquis est composée surtout d’ouvrages d’histoire naturelle, de géographie, d’histoire, d’études sur les mœurs des divers peuples ou peuplades, sur les hérésies et les hérésiarques, de pièces de théâtre, d’opuscules politiques, de travaux d’exégèse et de philosophie sacrée. On y trouve les œuvres de Locke, de Hobbes, de Charron, de Rousseau ; la « Défense du paganisme » à côté de « La Religion chrétienne démontrée par la conversion de Saint-Paul », « l’Histoire philosophique et politique des deux Indes » et les « Idées singulières sur un essai de règlement pour les prostituées. »

Madame de Villeneuve a été arrêtée par les brigands en allant voir sa fille, madame de Raousset, à Orange. M. de Sade volerait à son secours si la chose pouvait être utile à sa tante. Il se contente d’écrire une lettre où il travaille un peu fortement les ravisseurs et prie Gaufridy d’offrir à la vieille dame l’hospitalité de son château de la Coste, qui n’est pas en terre du pape. Mais l’avocat garde la lettre pour lui et le marquis le complimente peu après de sa prudence : on parle et l’on écrit souvent un peu trop vite ! L’état de la Provence et surtout du Comtat a, il est vrai, de quoi effrayer. Arles est toujours entre pillages et massacres. Le Comtat a son assemblée électorale, ses commissaires, ses états généraux et sa révolution plus méchante que la nôtre. Tout ce qui est encore en puissance à Paris est en acte à Avignon ou dans ses entours. Les taxes et les exactions pleuvent sur les tenanciers de biens nobles qui s’en déchargent sur leurs maîtres. Le fisc met des garnisaires chez ses débiteurs arriérés et les châteaux sont livrés aux troupes, car la liberté a hérité de la tyrannie le moyen commode et efficace des dragonnades. La communauté de Mazan parle de reconstruire aux frais du marquis les remparts du village que le feu comte avait fait démolir avec l’autorisation du saint-père. Bien avant le rattachement définitif du Comtat à la France et, par conséquent, plus longtemps encore avant qu’il ne soit désemparé des Bouches-du-Rhône, les mots « département de Vaucluse » sont déjà employés et les comtadins datent leurs lettres de l’an un ou deux de la république. À Paris M. de Clermont-Tonnerre, avec qui le marquis est lié par l’amitié, par le sang et par une communauté de vues qu’il ose encore avouer, a failli perdre la tête pour avoir parlé contre l’annexion de la comté papale et M. de Sade manque lui-