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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/345

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MARQUIS DE SADE — 1791
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succès « fort balancé » que le public a fait à sa première pièce. Les confitures étaient excellentes, surtout les petites cerises.

Je m’en voudrais de résumer les lettres écrites par le marquis, lorsqu’il apprend le projet formé par madame de Raousset de venir s’installer au château de la Coste et, peu après, la mort soudaine de cette dame. Il faut lire le témoignage comique et sans appel qu’il y a laissé sur lui-même.

Madame de Villeneuve, dont le marquis guigne l’argent, n’est pas la seule de ses tantes qu’il charge Gaufridy de défendre contre les mauvaises influences ; il lui demande aussi de « désentourer » la vieille la Coste qui se livre à des extravagances inquiétantes. Il se montre d’ailleurs d’une affabilité extrême envers l’avocat pendant quelques semaines où il ne se trouve pas à court. Rien ne le peine plus que les précautions que prend Gaufridy pour se ménager des preuves de l’honnêteté de sa gestion. Ne sait-il pas que tout lui est ouvert, que tout lui est permis ? Il compâtit aux difficultés que l’aveugle confiance de madame de Sade en mademoiselle de Rousset lui a attirées. Il compte lui apprendre bientôt la fin de son procès avec la marquise et, toutefois, ne lui cache pas qu’il le soupçonne d’avoir conservé un petit commerce avec les Montreuil car ils ont été avertis avant lui de la mort et du testament de madame de Raousset. Rien ne saurait d’ailleurs troubler les relations des deux amis quand le précédent quartier a été payé et que l’autre est encore loin. Le marquis demande même à son régisseur, pour la faire imprimer, une relation claire et précise des événements du Comtat.

Mais les difficultés d’argent renaissent et la tête de M. de Sade se remet à marcher comme le vent. Le bureau des pauvres de la Coste, qui n’a point d’argent et qui a des dettes, réclame le paiement de ses arrérages ; Conil et d’autres créanciers joignent maintenant l’arrogance à la menace ; les débiteurs ajoutent l’insolence au refus de payer ; les droits féodaux, dont le peuple attend la suppression pure et simple, ne sont ni acquittés ni rachetés, tandis que l’exacteur marque la cote des ci-devant d’un coup d’ongle. Les nobles et les notables sont en outre astreints, sous l’apparence de contributions volontaires, à faire des offrandes proportionnées à la fortune qu’on leur prête, quand ce ne sont pas les citoyens actifs, réunis en assemblées primaires, qui en fixent eux-mêmes le chiffre. Les seigneurs paient au plus haut prix la journée des ouvriers qui viennent retailler les armoiries de leurs portes.