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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


à la mort de madame de Villeneuve, ne dois-je pas hériter ? Voilà quelle est ma question. Madame de Villeneuve n’ayant plus d’enfant en état d’hériter d’elle, peut-elle laisser maintenant à d’autres qu’à moi ? Et même dans l’état actuel, ne me revient-il pas, comme vous dites, un tiers ; ou si elle a laissé trente mille francs, n’en voilà-t-il pas dix à me faire passer, et cela le plus tôt possible ? La belle maison d’Avignon, si, malgré le testament, j’ai un tiers dessus, ne puis-je pas contraindre Raousset à la vendre, ainsi du mobilier, des terres, etc ? Vous sentez, mon cher avocat, combien il est essentiel de ne pas perdre tout cela de vue. Je vous condamne donc à m’écrire sur tout cela une très longue de détails, à moins que vous n’aimiez mieux insérer pour cent mille francs d’assignats dans votre réponse en disant : « Voilà ce qui est à vous », et alors je vous tiens quitte, non pas du reste, mais des détails. Il faut aussi faire passer le plus tôt possible à mon pauvre chevalier sa croix de six mille livres. Je la lui ai annoncée ; le pauvre petit l’avait gagnée à la sueur de son corps. C’est une anecdote galante de la chère Raousset que vous n’aviez peut-être pas sue, et dont on peut rire à présent : elle avait eu son pucelage. Ainsi la croix, je vous en prie, en voyez-la lui le plus tôt possible.

Je vous recommande ce qui me concerne avec la même diligence. Je vous assure que quinze ou vingt mille livres de rente de plus arrangeraient bien joliment mes affaires.


OOOOOO

En relisant votre lettre avec plus d’attention, je comprends parfaitement à présent qu’à l’époque actuelle il ne me revient rien du tout, qu’il ne peut me rien revenir non plus après Raousset, 1o parce qu’il est aussi jeune ou aussi vieux que moi, 2o parce que, puisque sa femme lui laisse tout, il peut disposer de ce legs en faveur de qui bon lui semblera, et qu’il est très vraisemblable qu’il préfère sa famille à la mienne. Ce n’est donc que la fortune de madame de Villeneuve qui doit et qui va se trouver améliorée du tiers de celle de madame de Raousset et conséquemment, mon cher avocat, qui doit me revenir après madame de Villeneuve. Mais madame de Villeneuve est entourée comme l’était madame de Raousset. Madame de Villeneuve fera un testament ; madame de Villeneuve mangera l’argent comptant qu’elle va palper de son tiers des trente mille francs et je n’aurai rien !.. Je n’aurai rien parce qu’il est écrit dans le ciel que je [ne] dois jamais rien avoir de ma famille ; que je n’ai pas eu un sol de la succession de ma mère, pas un sol de la succession de M. l’abbé, pas un patard de celle de M. le commandeur, que je n’aurai rien de celle de MM. de Murs, etc., etc., etc.

Je dis donc qu’il faut, mon cher avocat, que, dès ce moment-ci et sans que l’on s’en doute, vous ayez les yeux toujours ouverts sur madame de Villeneuve et sur ses entours, afin qu’au moins cette succession-là ne m’échappe pas comme les autres…… S’il arrivait quelque malheur à ma