Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/371

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MARQUIS DE SADE — 1792
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Enfin, pour comble d’infortune, le département des Bouches-du-Rhône a inscrit son nom par erreur sur la liste des émigrés et, malgré l’envoi qu’il a fait à Lions aîné (qui n’est qu’un fripon) de ses certificats de résidence, son revenu d’Arles a été momentanément saisi.

C’est le moment qu’un sieur Courtois choisit pour offrir de racheter un cens annuel qu’il fait au seigneur, alors que tous ses pareils attendent la loi qui exonérera les redevanciers des taxes non fondées en titre. Eh bien ! Cet honnête homme paiera pour les autres, et le marquis va s’efforcer d’obtenir de lui, au prix le plus élevé et en numéraire, une indemnité qu’il ne doit plus. « Envoyez-moi, écrit-il à Gaufridy, cette prune pour mon dessert ! »

On a brûlé sur la place Vendôme les papiers de la noblesse, et M. de Sade, qui craint la pareille, donne l’ordre de transporter à Mazan ses titres de famille, les livres terriers et ce qui reste de l’ancien chartier de Saumane. Ils y seront d’ailleurs si bien cachés qu’on ne les retrouvera plus. La municipalité du même Saumane l’impose de six cents livres pour l’équipement de six volontaires et le marquis serre soigneusement la reconnaissance de ce don patriotique qui peut servir, à l’occasion, de certificat de civisme.

L’état de ses affaires est affreux. Lions aîné se cache. Les Ripert émigrent sans lui avoir payé ce qu’ils lui doivent. Bientôt l’avocat s’enfuit de nouveau et gagne Lyon. Cette nouvelle désole le marquis. Pourquoi son ami a-t-il fait choix de cette ville, où la vie est fort chère, alors qu’on lui offre à Paris une hospitalité à meilleur compte ? A-t-il du moins prétexté son départ pour qu’on ne songe pas à l’attribuer à des manquements ou à la peur ?

L’ère républicaine s’ouvre sur d’autres désastres domestiques que M. de Sade ignore encore.




Le marquis avise plaisamment son régisseur des dettes qu’il a faites. (Sans date).

……Voici bien une autre antienne que je vais vous chanter, cher avocat. Allons, prenez-moi vite une mine bien sérieuse, ridez le front, froncez le sourcil, dites deux ou trois fois : « Ah ! ché peste d’homme és isso[1] ! »

  1. Ah ! quelle peste d’homme est-ce là !