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MARQUIS DE SADE — AN I.
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pendant toute l’année qui va suivre, et celui-ci paie son ambassadeur en billets de théâtre. On cherche en outre de l’argent pour permettre à M. de Sade de retirer sa vaisselle, qui a passé du mont-de-piété entre les mains d’un prêteur à qui il faut servir jusqu’à libération un louis d’intérêt par jour. Mais les emprunts négociés par l’avocat restent en l’air. Un sieur Suleau avait promis et ne tient pas. C’est « l’argent Suleau » et, pendant de longs mois, le marquis n’a que cet « argent Suleau » au bout de la plume. Un sieur Silvan ne s’exécute pas davantage et fait même sur Gaufridy une tentative de corruption à laquelle M. de Sade félicite son régisseur de n’avoir point cédé, tout en l’assurant qu’il n’attendait pas moins de son honnêteté. Toutefois la disette d’argent où il se prétend réduit n’empêche pas le marquis d’acheter, pour quarante mille francs, une maison de la rue de Miromesnil, section du Roule, qu’il convoite depuis longtemps et qu’il faut payer au premier janvier. Cette opération ramène sur le tapis la question de la vente d’une partie du mas de Cabanes. Or les parents d’émigrés ne peuvent se défaire de leurs biens. Mais qu’à cela ne tienne ! M. de Sade a une fille qui, elle, est restée en France et il doit, par conséquent, être en droit d’aliéner le tiers qui représente sa part héréditaire ! Il n’y a donc qu’à pousser la négociation avec le concours de Lions puîné qui a repris la gérance du mas après la démission de son frère. Mais le jeune Lions vient d’être arrêté. L’avocat manque de l’être à son tour pendant le voyage qu’il fait à Arles et cette ville lui inspirera désormais une peur affreuse. La crise d’argent est terrible. Gaufridy est si excédé qu’il faut lui promettre de le libérer s’il veut bien tenir une année encore. Il a tous pouvoirs pour tirer le marquis de l’extrémité où il se trouve, mais, si la chose n’est point faite dans la huitaine, M. de Sade n’existe plus !

Quinquin, Lions puîné, qu’on relâche après quarante-six jours de détention, Gaufridy et Mayer (un notaire de l’Isle nouveau venu) sont sur les dents. M. de Sade les accable de lettres. Croit-il que les affaires vont comme sa pensée ? Tout lui paraît simple ! Gaufridy n’a qu’à vendre le château de Mazan ou celui de la Coste, s’il ne trouve pas d’acquéreur pour Arles, et à lui envoyer l’argent en assignats républicains, car un décret vient d’interdire ceux qui sont « à la face du ci-devant Louis XVI ». Le marquis ne veut conserver que Saumane, où il entend finir ses jours : ce diable d’homme ne bâtit pas un château en Espagne sans y marquer la place de son tombeau ! Parmi les demandes d’argent auxquelles il est en butte se trouve celle d’un sieur Bourdais, comédien,