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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


du soir, qu’il se commettait de nouvelles dévastations dans le ci-devant château, nous y serions portés tout de suite pour les empêcher et nous aurions trouvé Charles Béridon, demeurant depuis quelque temps au terroir de Goult, qui avait arraché la grande porte d’entrée du dit ci-devant château et qui l’avait brisée pour en emporter toutes les pièces de fer ; nous lui avons ordonné de discontinuer tout de suite, et nous lui avons représenté combien il était criminel de se livrer à une telle action, et de porter atteinte à la propriété d’autrui, et dès ce moment (n’étant pas en force ni armés) le dit Béridon s’est enfui sans pouvoir l’arrêter. Ensuite nous avons fait mettre les ferrures qu’il avait arrachées en lieu de sûreté.

Et tel est notre rapport que nous avons fait et présenté au tribunal de police municipale à la Coste le premier octobre 1792, l’an quatrième de la liberté et le premier de l’égalité. Signé.


Le marquis demande des détails sur le pillage de la Coste. (10 octobre 1792).

……Je vous somme et vous conjure, mon cher avocat, de me donner, aussitôt ma lettre reçue et courrier par courrier, les plus grands détails sur cette affaire. D’abord, est-elle vraie ? Je vous avoue qu’il me paraît qu’il y a des circonstances inconcevables. On a, dans quelques pays, brûlé les châteaux, mais je n’ai vu dans aucun qu’on se contentât d’enlever simplement les meubles, des meubles placés surtout au château de la Coste et qu’on ne pourrait, pour ainsi dire, déplacer qu’avec une grue. Mais si cela est, quels sont les individus qui ont fait cela ? En vertu de quoi l’ont-ils fait ? Pourquoi personne ne s’est-il présenté pour haranguer ceux qui voulaient me dévaster, et ne leur a-t-il pas dit que ce n’était pas sur une victime du despotisme ministériel et, par conséquent, un ami chaud de la révolution qu’il fallait faire tomber de pareilles vexations ?

Pourquoi la municipalité de la Coste, qui m’a positivement écrit : « Nous prenons vos possessions sous notre sauvegarde », ne les a-t-elle pas défendues ? Tout cela, mon cher avocat, est extraordinairement louche, et je vous supplie de me l’éclaircir.

On dit qu’on a pris du blé au château. N’auriez-vous point malheureusement souffert que quelque accapareur établît ses magasins dans ce château et n’eût par ce moyen attiré l’orage qui l’a écrasé ? Je vous demande en un mot les plus grands détails. J’ai le poignard dans le cœur ; si cette nouvelle est vraie, la perte que je fais est immense……


Le marquis, dans l’excès de ses maux, ne distingue plus entre ceux qui le persécutent et ceux qui le servent et n’admet point d’excuse au silence de l’avocat. (14 octobre 1792).

En quittant la Provence, mon cher avocat, vous y avez laissé le trouble et la discorde ; tout le monde va profiter de votre absence pour me ruiner