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MARQUIS DE SADE — AN I.
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pour beaucoup dans les motifs qui me déterminent. Il faut donc que je parte ; certainement vous en êtes pénétré comme moi. Maintenant une infinité de considérations m’arrêtent. Ce voyage est-il sans danger pour moi ? Ripert, Reinaud, m’écrivent qu’il y en a. Les Provençaux d’ici m’assurent que non. Lesquels croire ? Au nom de Dieu, mon cher avocat, dites-moi, là, bien sincèrement et la main sur la conscience, votre façon de penser sur cela. Je ne vous cache pas que cette démolition, ce pillage de la Coste m’effraie (que ceci soit dit entre nous, je vous conjure). De tels procédés prouvent des ennemis, et des ennemis bien certains… bien mûrs… bien constatés. De deux choses l’une : je vais chicaner et poursuivre ces gens-là ici ; ils auront le dessus ou le dessous. Dans le premier cas, avec quelle insolence ces gens-là vont me voir, et quelles insultes n’en recevrai-je pas ? Dans le second, ils m’assassineront, cela est clair. Pesez tout cela, je vous en conjure, mon cher avocat ; puis répondez-moi, là, tout franchement, ce que vous feriez à ma place. Si vous ne voulez pas vous en rapporter à vous-même, assemblez deux amis, que Reinaud soit du nombre, et là, consultez, je vous en supplie, la chose à tête froide et reposée.

Quant à moi, je ne vous dissimule pas que mon opinion serait d’attendre encore un an. Il y aura longtemps de l’événement dans la Coste, les têtes seront peut-être plus rassises, les événements plus calmes, moi plus connu dans la révolution (chaque jour je travaille à l’être, et j’ai eu l’autre jour dix voix pour être officier municipal et, en vérité, je ne les avais pas mendiées), en un mot, alors, tout peut aller mieux. Mais je ne vous dissimule pas que, pour me déterminer après tout ce qui s’est passé cette année, les angoisses où j’ai été de me voir à la veille de manquer de tout, je ne vous cache pas, dis-je, que pour ma tranquillité, je désirerais que vous me signassiez et m’envoyassiez l’écrit ci-joint. L’ayant, je vivrai en paix, du moins, et j’attendrai avec moins d’inquiétude……

« Je, soussigné, m’engage et promets à M. de Sade, d’abord de faire tout ce qui dépendra de moi pour lui avoir le plus tôt possible les deux mille francs nécessaires à retirer son argenterie du mont-de-piété ; ensuite, vu l’impossibilité ou du moins les grandes difficultés qu’il y a qu’il fasse dans l’année où nous allons entrer le voyage qu’il doit faire en Provence, je lui promets : premièrement de ne point abandonner le soin de ses affaires jusqu’au printemps de 1794, et de lui faire passer, de mai 1793 inclusivement jusqu’en mai 1794 exclusivement, la somme de onze mille dix livres en trois paiements égaux de trois mille six cent dix livres chacun ; savoir le premier au premier mai 1793 ; le second au premier septembre de la même année, et le troisième et dernier le premier janvier 1794. En foi de quoi il peut encore se tranquilliser un an, et compter sur mes soins et les susdits envois, que je lui promets d’exécuter de quelque manière qu’il en puisse arriver et sous le sceau de ma parole d’honneur.

À Apt, le…

Signé. »