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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


engage ces gens-là à ne pas m’envoyer l’argent que votre fils dit leur avoir été remis le huit prairial. Personne ne me répond ; tout cela, je ne vous le cache pas, est me jouer bien cruellement et cependant je suis malade au lit, entouré de médecins, de drogues qui me ruinent et pas un sol. Il est indigne à vous de me tenir dans cette situation ; avant que de vous en aller courir les champs avec vos pucelles, vous auriez bien dû au moins assurer ma subsistance. De l’argent, de l’argent, de l’argent, ou je prie les médecins de m’achever !……

J’aimerais mieux mourir que de ne pas faire changer cette pernicieuse administration. Mon médecin dit que tous mes maux ne viennent que de l’inquiétude affreuse où vous me tenez ; tout le monde me plaint de dépendre ainsi de vos caprices et certes il faut que cela change et cela changera, je vous le jure bien. Vous vous arrangerez comme vous voudrez avec ceux qui me succéderont, mais pour moi je cède tout : les charges et les bénéfices. Il ne m’est, ma foi, plus possible d’y tenir ; tous les chagrins, toutes les inquiétudes que vous m’avez donnés depuis le trois avril 1790 m’ont plus dérangé la santé que mes douze ans de Bastille. J’en regrette le séjour ; j’y étais sûr de mon dîner au moins et je ne le suis jamais avec vous……

Oh ! mon Dieu, me savoir malade et me laisser languir ainsi !.. Je me tais, car ce procédé m’irrite à un point que j’aime mieux vous laisser interpréter mon silence que de vous peindre l’état où vous plongez mon âme. De l’argent, de l’argent, de l’argent ! Vous me mettez au désespoir.

Ce 6 messidor, au bout de vingt-huit jours sans un seul écu, ni papier dans ma poche, vivant à crédit et en vendant.

Et pendant ce temps, M. Perrin, ou M. Je-ne-sais-pas-qui, se goberge avec mon argent et l’agiote afin de doubler la masse à son profit.


Le marquis supplie Charles Gaufridy de ne pas se fâcher de ses cris et de ses soupçons : cela soulage et ne tire pas à conséquence.

……Il est très mal à vous, permettez-moi de vous le dire, de me vouloir faire dire une chose à laquelle je n’ai jamais pensé. Je jure et je proteste n’avoir jamais eu l’idée de vous accuser, vous ou les vôtres, de me voler. Ce n’est point par intérêt que votre père a pris mes affaires, c’est par amitié ; nous nous connaissons dès la plus tendre enfance, cela donne le droit de s’aimer, de se dire mutuellement beaucoup de choses, mais jamais à l’un celui de voler, encore moins à l’autre celui de soupçonner qu’il l’est……

Je vous proteste qu’il m’a été dit, et je vous prouverai en temps et lieu, que vous envoyez de l’argent à madame de Sade. Et pourquoi donc, si je croyais que ce fût vous qui le gardiez, ne le dirai-je pas tout de même ? Mais je vous proteste qu’on me l’a dit. Ne me prouvez-vous pas d’ailleurs, par l’extrait même de la lettre de madame de Sade que vous m’envoyez, qu’elle compte infiniment sur votre attachement. Cette phrase y est tout au long. Eh bien ! J’ai donc pu croire que vous lui donniez des preuves