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MARQUIS DE SADE — AN V.
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les recevrait !) qu’il faut envoyer les trois mille livres du marquis. Elles lui sont plus indispensables que l’air qu’il respire et ne sont pas destinées du tout, comme on l’a dit à l’avocat, à payer les frais d’un séjour en Provence. Ses trois mille livres ou il meurt ! Bientôt il sera trop tard. Le terme arrive ; il est passé ! Mais les cris ont cessé et M. de Sade n’est point mort. Il est parti, sans laisser d’adresse, avec de l’argent emprunté, et Gaufridy n’aura pas de sitôt de ses nouvelles ! On lui fera tout juste savoir où il peut écrire ; les deux amis ne reprendront leur commerce qu’au retour du voyageur.

M. de Sade a bien menti. Nous le retrouvons à Saumane avec la citoyenne Quesnet. Il a une méchante affaire sur le dos. Le citoyen Perrin, receveur de l’enregistrement à l’Isle-sur-Sorgues, qu’il a accusé de forfaiture, vient de l’assigner devant le tribunal correctionnel d’Avignon. Le marquis appelle Gaufridy à son aide. On consulte et on négocie. Il faut, pour se tirer de là, faire des excuses, publier une rétractation, payer tous les frais et aumôner au bureau de bienfaisance du district.

Cette mésaventure n’a pas calmé l’humeur bougillonne du marquis. Il s’entoure de nouveaux agents locaux, s’attèle au règlement de ses comptes, prétend tout remettre en chantier. Mais tel qui faisait merveille du plat de la langue n’est plus qu’un apprenti au fait et au prendre, et M. de Sade est souvent forcé de passer par les chemins qui, de loin, lui faisaient crier « casse-cou ! » Tout fripon et voleur qu’il soit, Ripert fils obtient de lui la signature d’un compromis. Audibert, cet autre fripon, reste son créancier, par bon arrêté, de quatre cent onze livres onze sols sept deniers, tandis que Page lui fait souscrire une reconnaissance de deux mille quatre-vingt-quinze livres neuf sols sur les causes de l’ancienne sentence. Il faut parlementer avec les créanciers de l’abbé, qui cessent d’être un mythe pour le marquis et qui, eux-mêmes, n’en croient ni leurs yeux ni leurs oreilles. La municipalité de Mazan vient visiter en corps son ancien seigneur, mais elle met un garnisaire chez lui pour le contraindre au paiement de ses impôts. On crie les prés de Saint-Paul à l’encan pour faire quelques sous.

M. de Sade décide de partir pour Arles afin d’y chercher des ressources qui lui permettent de faire face à un engagement de soixante mille livres dont il n’indique pas la nature.

Il obtient, non sans peine, de Gaufridy et de sa femme, qu’ils lui confient Charles et François, tandis que Quesnet va l’attendre chez l’avocat où elle reste pendant trois semaines. La citoyenne y est fort