Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/491

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
MARQUIS DE SADE — AN VII.
427


qu’à l’un d’eux ; que neuf témoins, réunis par lui, attestent sa résidence continue à Paris ou dans sa banlieue ; que Cazade, qui est au mieux avec son administré et Quesnet, joint son attestation à celle des neuf et garantit les sentiments républicains du ci-devant marquis ; en vain même que l’on tente une nouvelle démarche auprès du ministre des finances : tout est paralysé par la criminelle paresse de Gaufridy. Elle est cause de tout. C’est un poltron, honteusement esclave de sa femme ; un homme qui, en dépit de la vérité, « a la physionomie du crime ». Un ami de M. de Sade, à qui il a montré une des lettres où l’avocat rabâche sans venir à l’essentiel, l’a détruite avec rage, disant qu’il y avait sur ce papier de quoi faire brûler au moins une cervelle sur deux ! Mais le marquis ne fait pas le détail ; s’il ne reçoit pas d’argent, il arrive avec deux pistolets : un pour chacun !

Il faut une péripétie après ce paroxysme : Gaufridy la fournit en se fâchant. Mais Quesnet intervient et le supplie de pardonner. C’est la tête qui a parlé et non le cœur, et, du reste, la situation de son ami est si malheureuse ! L’avocat se laisse toucher. M. de Sade se jette aussitôt à son cou et le remercie d’avoir oublié. S’il a laissé courir sa plume avec un tel emportement, c’est qu’il pensait que François retiendrait la lettre et qu’il aurait ainsi le soulagement de l’avoir écrite et le plaisir de l’avoir envoyée, sans que son ami ait le désagrément de la lire. Mais François est enfin parti pour l’armée, et il faut se rabattre sur Charles pour débrouiller une double difficulté où le marquis se trouve engagé avec un marchand de bois à qui il a vendu la coupe du petit domaine de Piedmarin, à Mazan, et avec le fermier à qui Gaufridy a promis le même domaine. Or, Charles est trop bavard. Il s’est servi, pour apaiser ce différend, de moyens qui ne conviennent pas à M. de Sade et invoqué notamment la volonté de la famille. Le marquis est son maître et n’a point de famille.

L’année se termine mal. Il y a eu des troubles affreux à Saumane. On réclame le paiement des impôts qui se sont accumulés, alors que, de toute évidence, c’est la nation elle-même qui devrait les prélever sur les fruits qu’elle a perçus pendant le séquestre. Charles, pour son retour aux affaires, a bien envoyé au marquis la somme de trois cent vingt-quatre francs, mais « c’est une fraise dans la gueule d’un loup. »

Fabri fait enfin savoir qu’il vient d’obtenir, à grand peine, l’assurance que l’affaire du séquestre d’Arles serait bientôt terminée.