Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 1, 1795.djvu/141

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jettai sur le seuil de cette porte qu’on venait de refermer sur moi… Je m’y précipitai sur les traces mêmes de mon sang, résolue d’y passer la nuit. — Le barbare, me disais-je, il ne m’enviera pas l’air que j’ai le malheur de respirer encore… Il ne m’ôtera pas l’abri des bêtes, et le ciel qui prendra pitié de mes maux, m’y fera peut-être mourir en paix. Un moment, je me crus perdue, j’entendis passer près de moi,… était-ce Lui qui me faisait chercher ? Voulait-il achever son crime, voulait-il m’enlever un reste de vie que je détestais ? ou le remords enfin, dans son ame de boue, y rappellait-il un instant la pitié, quoiqu’il en fût, on me dépassa fort vite ; le jour vint, je me levai, et me déterminai sur-le-champ à aller regagner l’habitation de ma chère Isabeau, bien sûre qu’elle ne me refuserait l’asile dont elle m’avait toujours flattée… Je partis donc… et j’en étais à mon quatrième jour de marche, me traînant comme je pouvais, moulue de coups, palpitant de crainte,