Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 1, 1795.djvu/260

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est de jouir du présent, sans s’inquiéter de l’avenir, et quels momens seraient pour elle, si, à côté des tourmens qui l’accablent sans cesse, elle n’avait au moins pour jouissances, celles que lui laisse l’illusion. Ce que nous appelons le bonheur, nous autres malheureux, me disait-elle hier, n’est que l’absence de la douleur, quelque triste que soit cette misérable situation, que nos amis nous la laissent goûter.

Quant à Sophie, elle a toujours ses mêmes droits, jusqu’à l’éclaircissement, fondés ou non, il serait trop dur de les lui ravir, et la cruauté ne peut naître dans une âme comme celle de notre amie. Si quelque chose pourtant trouble un peu cette respectable femme, c’est le silence affecté qu’on a gardé sur toi… est-il naturel ? un des motifs du voyage n’est-il pas au contraire de s’informer si tu n’a point paru ? Quelques questions faites dans la maison et qu’on nous a rendues sur-le-champ, prouvent que ces éclaircissemens entraient dans leurs vues. — Pourquoi donc s’est-on