Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 1, 1795.djvu/309

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sinthe salutaire présentée à l’enfant, on le trompe, mais l’erreur est douce.

Comme il m’a abusée cet homme… Je le croyais, on se livre si vite à ce qu’on désire ! le malheureux qui fait naufrage saisit avec tant d’empressement le bras qu’on lui tend pour le sauver… Peut-il imaginer que c’est pour le repousser dans l’abyme !… Hélas ! vous avez bien raison, il me trompait autant qu’il était en lui, il devait croire Sophie, sa fille, rien ne pouvait l’en dissuader, et ce n’est pas dans de tels cœurs que la nature fait des miracles… Il la croyait telle, et il jurait qu’elle ne l’était pas, le crime est donc dans son entier, et ce que j’ai obtenu de sa fausseté, n’est donc plus que le fruit de sa honte… Ce sentiment mène au dépit, et le dépit à tout, dans de telles ames… Quoiqu’il en soit j’ai des parens, je n’en suis point abandonnée… Je me jetterai dans leurs bras, ils me sauveront, je les implorerai pour mon Aline et pour moi, ils ne voudront pas nous perdre toutes deux… Mais changeons