Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 1, 1795.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

flots de larmes coulèrent ; Adélaïde me rappella mes sermens, je les renouvellai dans ses bras…… et nous nous séparâmes.

Mon père m’appella cet hiver à Paris, j’y volai : il s’agissait d’un mariage ; sa santé chancelait, il désirait me voir établi avant de fermer les yeux ; ce projet, les plaisirs, que vous dirai-je enfin ! cette force irrésistible de la main du sort qui nous porte toujours malgré nous où ses loix veulent que nous soyons ; tout effaça peu-à-peu Adélaïde de mon cœur. Je parlai pourtant de cet arrangement à ma famille ; l’honneur m’y engageait, je le fis, mais les refus de mon père légitimèrent bientôt mon inconstance ; mon cœur ne me fournit aucune objection ; et je cédai, sans combattre, en étouffant tous mes remords. Adélaïde ne fut pas long-temps à l’apprendre…… Il est difficile d’exprimer son chagrin ; sa sensibilité, sa grandeur, son innocence, son amour, tous ces sentimens qui venaient de faire mes délices, arrivaient à moi en traits de flamme, sans qu’aucun parvînt à mon cœur.

Deux ans se passèrent ainsi filés pour moi par les mains des plaisirs, et marqués pour