Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 1, 1795.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un homme d’esprit, et qui connaisse le cœur humain ! On ne peut exprimer ce que fit pour me calmer le respectable mortel entre les mains duquel mon heureux sort m’avait fait tomber… Tantôt il s’adressait à ma raison, tantôt il intéressait mon cœur, et tirant toujours du sien les argumens qu’il employait, il sut me rendre à moi-même et à la vie que je perdais infailliblement sans son secours.

Ô vous, vils mercenaires, qui, dans des places semblables, ne regardez ceux qu’on vous confie, que comme des animaux dont le sang doit vous engraisser… qui les tourmenteriez, qui les feriez expirer si l’on vous dédommageait amplement de leur perte ; en jettant vos regards sur le vertueux ami dont je parle, apprenez que ce même poste où vous ne trouvez à exercer que des vices, peut vous offrir la jouissance de mille vertus ; mais il faut une âme et de l’esprit pour le sentir, au lieu que la nature en courroux, qui ne vous a créés que pour le malheur des autres, ne mit en vous que de l’avarice et de la stupidité.

Un mois se passa, sans qu’on parlât de