Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/247

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paitri au sein de la misère, délayé des larmes de la douleur et du désespoir… Non, cette idée me ferait frémir, je ne le supporterais jamais. Ce que vous voyez aujourd’hui sur ma table, tous les habitants de cette isle peuvent l’avoir sur la leur, aussi je le mange avec appétit. Eh bien ! mon cher Français, vous ne dites mot. — Grand homme, répondis-je dans le plus vif enthousiasme, je fais bien plus, j’admire et je jouis. — Écoutez, me dit Zamé, vous vous êtes servi là d’une expression qui me choque : laissons le mot de grandeur aux despotes qui n’exigent que du respect ; la certitude où ils doivent être de ne pouvoir inspirer d’autres sentimens, fait qu’ils renoncent à tous ceux qu’ils sont dans l’impossibilité de faire naître, pour exiger ceux qui ne sont l’ouvrage que de l’or et du trône. Il n’y a aucun homme sur la terre qui soit plus grand que l’autre, eu égard à l’état où l’a créé la nature, que ceux qui ont la prétention de l’inégalité, l’obtiennent par des vertus. Les habitants de ce pays