Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/36

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Léonore et moi nous changeâmes d’habit, et nous passâmes ainsi tous deux effrontément devant mon père, sans qu’il lui fût possible de nous reconnaître, quelqu’attention qu’il eût l’air de prendre à nous. Le risque que nous venions de courir décida Léonore à moins écouter l’envie qu’elle avait de s’arrêter par-tout, et notre projet étant de passer en Italie, nous gagnâmes Lyon d’une traite.

Le ciel m’est témoin que j’avais respecté jusqu’alors la vertu de celle dont je voulais faire ma femme ; j’aurais cru diminuer le prix que j’attendais de l’hymen, si j’avais permis à l’amour de le cueillir. Une difficulté bien mal entendue détruisit notre mutuelle délicatesse, et la grossière imbécillité du refus de ceux que nous fûmes implorer, pour prévenir le crime, fut positivement ce qui nous y plongea tous deux[1]. Ô ministres du ciel ! ne sentirez-

  1. Il est à propos de remarquer ici en passant qu’il n’y a point de ville en France où le