Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/45

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ques heures, libre et avec ma Léonore, et dans lequel je rentrais prisonnier, et sans elle. Un sentiment pénible et sombre succéda bientôt à ma rage… Je jettai les yeux sur le lit de mon amante, sur ses robes, sur ses ajustemens, sur sa toilette ; mes pleurs coulaient avec abondance, en m’approchant de ces différentes choses. Quelquefois, je les observais avec le calme de la stupidité. L’instant d’après, je me précipitais dessus avec le délire de l’égarement… La voilà, me disais-je, elle est ici… Elle repose… Elle va s’habiller… Je l’entends ; mais trompé par une cruelle illusion, qui ne faisait qu’irriter mon chagrin, je me roulais au milieu de la chambre ; j’arrosais le plancher de mes larmes, et faisais retentir la voûte de mes cris. Ô Léonore ! Léonore ! c’en est donc fait, je ne te verrai plus… Puis, sortant, comme un furieux, je m’élançais sur Antonio, je le conjurais d’abréger ma vie ; je l’attendrissais par ma douleur ; je l’effrayais par mon désespoir.

Cet homme, avec l’air de la bonne foi, me conjura de me calmer ; je rejettai d’abord