Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 3, 1795.djvu/222

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Nous nous couchâmes… Elle me tint cent propos, plus extravagans les uns que les autres… et cela à la veille du jour où nous allions être obligées peut-être à demander l’aumône, ou à faire pis pour obtenir notre subsistance.

En ouvrant les yeux le lendemain Clémentine fondit en larmes… L’ivresse est comme l’opium, elle calme la douleur et ne la rend que plus vive au réveil… Ô mon amie, me dit-elle, que ne suis-je morte en dormant !… il ne faudrait jamais s’éveiller quand on a l’infortune pour perspective… Ce n’eût-il pas été un bonheur pour moi que de passer dans les bras de la mort, du sein de l’ivresse où j’étais hier ?… Non, répondis-je, non, nous nous sommes tirées d’un pas plus dangereux que celui-ci… espérons tout de la bonté du ciel. — du ciel !… ah ! ne comptons jamais sur le ciel ; toute espérance fondée sur des chimères n’est faite que pour l’esprit des sots. — Ô Clémentine ! chimère ou non c’est la ressource du malheureux, n’en détruisons pas l’idée dans nos cœurs elle