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Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 3, 1795.djvu/44

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celle-là ; une scélérate accomplie n’est jamais un meuble inutile à deux libertins comme nous. Tu n’imagines pas, mon ami, à quel point j’ai la belle Bretonne dans la tête, je ne sais, mais j’éprouve pour elle quelque chose de beaucoup plus vif que pour une autre femme, et sans la connaître, sans l’avoir vue, une voix secrette semble assurer mon cœur que jamais volupté sensuelle n’aura sû le délecter autant. C’est une chose bien plaisante que les inspirations de la nature ; un philosophe qui s’attacherait à les scruter toutes, en trouverait de bien extraordinaires, n’est-il pas déjà très-singulier qu’elle nous chatouille intérieurement, d’une manière inexprimable, rien qu’au désir d’un mal projetté ; que deviennent donc les loix des hommes si la nature nous délecte au seul projet de les enfraindre.

Eh bien, toujours un peu de morale ; il y aurait de la gloire avec un autre, mais avec toi c’est peine perdue ; tu as la moitié moins de plaisir à faire le mal, parce que tu ne le