Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 3, 1795.djvu/50

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j’avais déchiré ce billet sans jamais en parler à Sainville, puis sans rien revéler de mes motifs, j’avais engagé mon époux à congédier, comme suspects, tous les gens qui nous entouraient. Il le fit, tout fut inutile ; le complot était trop bien formé ; Fallieri était trop riche, et avait trop de monde à ses ordres, pour que sa proie pût lui échapper. Et quel était l’homme, grand Dieu ! quel était le monstre qui voulait me ravir à mon amant ! Je ne saurais vous le peindre sans dégoût, ni me le rappeller sans horreur. Tout ce que la nature peut réunir de traits difformes, elle l’avait à plaisir rassemblé, pour en composer cet homme effrayant ; et si quelque chose pouvait l’emporter encore sur ce physique épouvantable, c’étoit et l’esprit et le cœur de ce libertin de profession. Ne vous imaginez point que l’amour eût part aux démarches de ce vilain homme ; il avouait hautement qu’il ne l’avait jamais connu. Guidé par son intempérance, n’aspirant qu’à la contenter, tout ce qui avait quelques