Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 4, 1795.djvu/186

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pourquoi, dis-je, vous voulez que j’aille charitablement l’accepter pour en débarrasser cet homme qui ne m’est rien ? Je serais un fou aux yeux de tout être sensé, si j’étais capable d’un procédé pareil. — Mais le calcul n’est pas juste, en comparant les sensations, il fallait comparer les besoins : ceux de Pierre étaient ceux de la vie, on ne peut se passer de ceux-là, les vôtres n’étaient que de fantaisie, vous pouviez vous en priver facilement. — Vous vous trompez, madame, l’habitude des fantaisies ; est un besoin pour nous autres gens riches, aussi pressant que celui de vivre pour ces droles-là ; et puis pour décider en ma faveur, il n’est nullement nécessaire que les besoins soient égaux ; la douleur de Pierre est nulle pour moi, elle n’atteint aucunement mon ame, que Pierre dîne ou ne dîne pas, il n’en peut sagement résulter pour moi nul chagrin, et la privation de ma terrasse en est un ; or, pourquoi voulez-vous que j’empêche un homme de souffrir une chose que je ne sens pas, au prix d’une