Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 4, 1795.djvu/380

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les crimes et les vertus se mélangeront, se croiseront, se multiplieront sur la terre ; tout variera, tout renaîtra, tout se détruira sous la voûte des cieux, sans qu’aucune de ces circonstances puisse ramener celle qui pourrait rendre Aline à Valcour. Non, mon ami,… toutes les gouttes d’eau de la mer, cent millions de fois multipliées par elles-mêmes, ne donneraient pas encore la plus faible idée de la multitude des siècles qui doivent composer l’intervalle immense qui va nous séparer ; et pendant cet affreux intervalle, pas une seule combinaison, pas un seul acte d’autorité, émana-t-il même de Dieu, ne pourrait renouer ces liens terrestres où nous avions la folie de nous complaire.

Mais à côté de cette idée, avec quelle douceur vient se présenter celle de l’Être infini, dans le sein duquel nos ames vont se réunir ;… Il est donc un moyen de te revoir, et ce moyen conçu par l’existence de cet être adorable, ne nous le rend-il pas et plus cher et plus précieux !… Oui, Valcour, c’est à ses pieds que je vais t’at-