Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 4, 1795.djvu/62

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ames, plus ardentes et plus élevées que la leur, sachent jouir de ce qu’ils n’entendent pas. C’est une des choses qui pourtant m’impatientent le plus que de voir combien il y a peu d’êtres dans le monde, qui, si j’ose me servir de l’expression, parlent la même langue que nous, et pourquoi donc la nature, dès qu’elle nous destinait à vivre ensemble, ne nous a-t-elle pas donné à tous, à-peu-près la même ame ? Pourquoi n’avons-nous pas tous la même manière de sentir ? Dans les mouvemens d’humeur que certaines gens m’inspirent, je ne sais si je n’aimerais pas autant ceux qui, comme ma chère sœur, vont beaucoup au-delà des bornes, par trop de délicatesse dans les organes, que ceux qui n’éprouvent rien. Les premiers réparent au moins, par un esprit piquant et extraordinaire, toutes les inconséquences de leur cœur, au-lieu que les autres n’ont rien qui puisse dédommager de leur lourde apathie. Ce sont des espèces d’automates qui, ce me semble, font sur nous ce même effet, que ces temps