vous ; l’autre Félicité : c’est celle qui m’accompagne,
mais Félicité doit le jour à Thérèse, et
vous à moi. Je vais encore éclaircir la cause de
cette supposition de ma part. Sénarpont voulait
faire de ses deux filles ce qu’il avait fait de ses
deux sœurs, mais son intention était de sacrifier
de très bonne heure à sa destructive passion la
moins jolie des deux enfants, et de laisser arriver
l’autre à l’âge de beauté. Vous étiez celle qu’avait
le mieux favorisée la nature, celle qui promettait
davantage. En conséquence, il fit enlever clandestinement
Félicité au berceau et vous mit à sa place,
afin qu’élevée par sa sœur Thérèse de Valrose,
vous fussiez en quelque façon garantie de ses
fureurs, au moins, comme je vous le disais tout à
l’heure, jusqu’à l’âge de quinze ou seize ans, ce
qu’il se sentait peu capable de faire, si vous fussiez
restée avec moi, qu’il gardait près de lui. Dès que
Félicité eut atteint l’âge de sept ans (et j’avais
bien, mais sans oser le dire, reconnu qu’elle
n’était pas ma fille, puisqu’elle n’avait pas au
bras le signe qui caractérisait la mienne), dès que,
dis-je, elle eut atteint l’âge de sept ans, Sénarpont
me déclara ses infâmes projets : c’est ce qui nous
fit sauver toutes deux. Vous savez le reste de nos
aventures. Je voulais seulement prouver, comme
je viens de le faire, que vous êtes ma fille et non
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NOTES POUR LES