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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

— Notre souverain seigneur, répondit le maître de la maison, est maintenant régent de la Saxe ; le prince Frédéric, que sa santé éloigne pour quelque temps des affaires du gouvernement, vient de l’appeler à ce poste pendant le cours des voyages qu’il entreprend pour se rétablir.

— Et quelles sont les causes qui altèrent cette santé précieuse à ses sujets ? poursuivit Adélaïde.

— Les chagrins qu’il a reçus de sa femme, répondit l’aubergiste.

— Et de quoi l’accuse-t-on ?

— D’une intrigue avec le jeune Kaunitz, officier au service du prince. Cette inconduite, continua celui que l’on questionnait, a fait un tel bruit à la cour que la princesse a été renfermée par ordre de Frédéric dans la citadelle de Torgau, où l’on croit qu’elle est pour la vie. Elle fera bien de s’y tenir, car si jamais elle s’en évadait, ses jours ne seraient pas en sûreté.

Ici l’aubergiste parut ignorer l’événement qui venait de se produire et qu’il avait l’air de craindre.

Le trouble où ce récit plongea Bathilde faillit tout perdre ; mais Adélaïde avait déjà appris sur le trône l’art de dissimuler, et elle sut si bien l’employer dans cette circonstance qu’il devint impossible de pouvoir démêler en elle rien qui fût capable de la trahir.